Il y a des trajectoires en ligne droite que rien ne semble arrêter. L’itinéraire de Jean-Philippe Douis s’inscrit dans cette lignée. Rencontre avec un opticien créateur qui voit bien plus loin que son nez…

Comme souvent dans nos pages, l’histoire commence par un de ces hasards qui font la trame d’une histoire. Un dimanche midi à l’heure du muscadet, en se dirigeant vers le haut du marché de Talensac, on tombe sur un petit attroupement. De la musique, du vin, des huîtres et des gens qui papotent… dans un magasin d’optique ! La boutique est atypique, un espace tout en longueur, une belle hauteur sous plafond… et de chouettes lunettes ! Le proprio nous accueille sans chichi, verre à la main et humeur joviale. Bienvenue au PPVR (Pain Pâté Vin Rouge) chez Lunettes ETC.

Tout a commencé en 2010 chez les voisins, au Bon coin (coucou Odile et Jean !).

Jean-Philippe Douis repère ce local à louer, voisin du café. La disposition particulière ne freine pas notre opticien qui y voit au contraire l’opportunité d’un agencement qui sort de l’ordinaire. Un challenge stimulant auquel vient s’ajouter la nécessité de se faire connaître d’abord simplement dans le quartier. Concerts, vernissages d’expos d’adultes ou de minots, au fil d’une cinquantaine de dates, ces RDV du dimanche attirent et fidélisent un public amateur de bonnes et belles choses. De quoi tisser un réseau de copains clients qui deviendront bientôt les ambassadeurs de la marque… Car dès 2011, Jean-Philippe esquisse les premiers modèles d’une collection dont les prototypes seront fabriqués dans un atelier du bas Chantenay.

En septembre 2012, la marque Naoned est officiellement lancée au Silmo (LE salon de la profession). Une évolution logique pour ce créatif passionné d’art. « Si mon métier est avant tout d’être opticien, je m’attache à rendre la prothèse la plus esthétique possible. La lunette est une manière de se présenter aux autres, comme une carte de visite, elle dit qui vous êtes. » 
Le succès est à la mesure de la passion qui anime Jean-Philippe et bientôt, les premières campagnes de pub vont voir le jour, où l’on retrouve les copains et les clients fidèles de la première heure. Une jolie façon de remercier ceux qui lui ont fait confiance et d’affirmer un schéma à rebours des circuits classiques. Là où d’autres misent sur le volume et les marques mainstream, Jean-Philippe lui préfère rechercher le chemin le plus efficient vers la liberté.

Et derrière son regard affûté, il a le flair d’un vieux loup de mer !

Son intuition s’est aiguisée au fil de son parcours. « Avant d’avoir la chance d’ouvrir ma propre boutique, j’ai sillonné la Bretagne pour faire des remplacements. Après avoir roulé ma bosse dans 22 boutiques, j’ai pu me faire une idée assez précise de ce que je voulais faire ». Une expérience précieuse pour celui qui ado se voyait bien batteur dans un groupe de rock !
Au moment de poser ses valises, c’est à Nantes (Naoned sur la pancarte) que notre opticien itinérant choisit de s’installer pour monter sa boîte et fonder une famille. « Nantes a été le berceau d’une belle histoire dont sont nés Hippolyte et Emma-Louise, qui ont aujourd’hui 10 et 8 ans ». Jean-Philippe n’oublie pas de saluer ceux qui l’ont accompagné en chemin. La « maman fabuleuse » de ses enfants tout d’abord, puis son « équipe formidable », « l’intelligence collective » et le plaisir de faire ensemble, tout simplement…

S’il récolte aujourd’hui les fruits du succès, Jean-Philippe fourmille d’idées et de projets. Dans l’immédiat, la boutique Lunettes ETC s’agrandit pour exposer toute la collection Naoned à Talensac, l’inauguration aura lieu le 1er week-end de décembre. Au programme concerts et rencontres, avis aux curieux ! Ensuite, un déménagement vers des locaux plus spacieux côté Chantenay avec l’équipe qui compte désormais 8 collaborateurs chez Naoned. Une expansion maîtrisée avec l’impératif de conserver l’ADN artisanal de la marque. « Naoned, c’est une affaire de cœur et de tripes. On est ancrés dans le territoire et on entend bien conserver cette identité forte ».

Pour cet enfant du vignoble, on comprend bien qu’il n’est pas question de délocaliser à Taïwan.

« Nous produisons dans le Jura. Notre usine a même dû étoffer ses équipes pour répondre à la demande, c’est une de nos fiertés, s’inscrire dans un cercle vertueux, contribuer à l’économie locale, et rester indépendants ». Cela ne vous rappelle pas un petit village en Armorique peuplé d’irréductible Gaulois ?

Et pourtant, si la production est fièrement locale, sa diffusion dépasse largement nos frontières hexagonales… Avec 450 points de vente en France et 150 à l’international, la marque s’exporte bien. Pour l’anecdote, Jean-Philippe estime à environ 100 000 le nombre de montures Naoned en circulation… Jusqu’à en croiser une sur le pont de Brooklyn alors qu’il s’y baladait cet été avec ses kids ! Pas étonnant vu que Naoned est présente dans 14 points de vente à Manhattan. C’est ce qu’on appelle la classe internationale non ?
 À l’aube de la quarantaine, quand on demande à Jean-Philippe ce qu’il attend de 2019, il répond sans détour « De la douceur ». On devine alors une des clés du personnage : voir les choses avec le cœur…